Après une étude approfondie au Collel de Nice (CEJ) sur le sujet de la conversion au judaïsme, le Rav Yona GHERTMAN a écrit en 2015 un premier livre sur ce sujet. Par la suite, le Rav a continué à étudier les textes relatifs à la conversion en compagnie de différents groupes d’étude. C’est ainsi qu’un second tome de l’ouvrage est paru en 2021.
Le novice y découvrira un sujet passionnant et l’érudit y approfondira ses connaissances. Le candidat à la conversion, comme le récent converti au judaïsme, y trouvera un guide pratique lui permettant d’appréhender plus facilement son nouveau mode de vie et ses enjeux.
A. Exode 19, 5-6 :« Et désormais, si vous écoutez bien Ma voix, si vous gardez Mon alliance, vous serez pour Moi un trésor entre tous les peuples (…). Vous serez pour Moi une dynastie de prêtres et une nation sainte (…) ».La première remarque sur ces versets concerne la forme conditionnelle employée : quand le peuple d’Israël est-il appelé « un trésor entre tous les peuples » ? Lorsqu’il « écoute la voix de Dieu et garde Son alliance ». Derrière le privilège se cache une responsabilité. Celle-ci se retrouve également dans l’appellation « dynastie de prêtres / mamlekhete Cohanim ». Le prêtre –ou Cohen– est celui qui effectue le service divin pour les autres.À l’époque du Temple de Jérusalem, des offrandes y étaient apportées, offertes par l’intermédiaire du Cohen. Ce dernier est donc au service de Dieu, mais également des hommes, car il permet d’établir le lien entre eux. Notons d’ailleurs que le Cohen est au service de tous les hommes, car les offrandes au Temple de Jérusalem n’étaient pas le fait exclusif des Bné-Israël1, mais de toutes les nations du monde2.De même le peuple d’Israël est censé être au service de toutes les nations, ainsi que l’exprime le Rav français du siècle dernier, Elie Munk :« Loin d’être un privilège qui lui confère des droits ou des avantages particuliers, l’élection comporte pour Israël une tâche nettement déterminée : celle d’être pour l’humanité un « peuple de prêtres ». Or, le prêtre est appelé à faire rayonner la connaissance et la foi en Dieu, grâce à son exemple et à sa parole (…). Telle est la vocation d’Israël au milieu des nations. Il doit rester l’apôtre de la vérité et de la vertu. »3Le peuple d’Israël est donc appelé le « trésor / ségoula » de Dieu lorsqu’il assume sa responsabilité. La nature humaine recherchant la facilité, cette mission n’est pas aisée. Dans notre verset, Dieu demande à Israël de s’élever au-delà de cette nature humaine égoïste et repliée sur soi, afin de porter haut et fort le message divin.C’est ce que signifie aussi « une nation sainte / goy kadoch ». Tout comme les autres nations, Israël est appelé « goy »1. Cependant Dieu lui demande d’être un « goy kadoch », c’est-à-dire littéralement, une « nation séparée ». De la même manière que les Cohanim (prêtres) sont séparés des autres membres de la nation d’Israël2, car leurs responsabilités sont plus importantes, la nation d’Israël est séparée des autres pour la même raison. Cette séparation se concrétise par une législation particulière, plus vaste et plus stricte -la Torah- mais aussi par une interdiction des mariages avec les membres des autres nations.
B. Deutéronome 7, 6 :« (…) C’est toi que l’Eternel ton Dieu a choisi (…) ».Le terme d’ « élection » n’apparaît pas en tant que tel dans la Torah. C’est celui de « choix » que l’on retrouve. Pourquoi Dieu a-t-Il choisi ce peuple plutôt qu’un autre pour assumer cette responsabilité ?Une première lecture du texte biblique peut laisser penser que ce « choix » est tout simplement la conséquence des promesses faites aux trois patriarches. Dieu annonce déjà à Abraham qu’il sera l’ancêtre d’une nation particulière qui « séjournera sur une terre étrangère où elle sera asservie et opprimée » (Genèse 15, 13). La nation qui opprimera ses descendants sera « jugée » par Dieu, puis ces derniers « la quitteront avec de grandes richesses » (Ibid., v.14).C’est bien du récit relaté dans le livre de l’Exode dont il est question. L’esclavage, puis le départ des Hébreux hors d’Egypte étaient déjà prévus pour ce peuple descendant d’Abraham. Le patriarche avait choisi de croire en Dieu alors qu’il était dans un environnement idolâtre, Dieu choisit donc de le récompenser en établissant une alliance entre Lui et sa descendance, celle qui s’exprimera à travers les descendants de Jacob, petit-fils d’Abraham, détenteur du droit d’aînesse, et autrement nommé « Israël »1.Cependant, la tradition rabbinique livre une autre lecture du « choix », cette fois-ci non liée exclusivement à l’ascendance du peuple « choisi ». En effet, bien que la nation se forme en Egypte, le peuple d’Israël en tant que peuple soumis à la Torah n’existe qu’à partir de la révélation du Mont Sinaï, relatée dans le livre de l’Exode (Chapitre 20 et suivants). Se basant sur une analyse des versets et sur la tradition orale2, les Sages vont affirmer que le titre de « premier-né / béni bekhori » (Exode 4, 22) n’a été prononcé par Dieu au sujet d’Israël qu’après l’acceptation explicite de la Torah au Sinaï3.Cette affirmation est étonnante car l’expression apparaît en réalité alors que les Hébreux sont encore en Egypte. Dieu demande à Moïse de parler à Pharaon pour qu’il laisse partir le peuple, et dans ce contexte s’exprime ainsi au sujet d’Israël : « Ainsi parle l’Eternel, Israël est mon fils, mon aîné (…) ».Le Talmud veut donc signifier que cette distinction exceptionnelle a une valeur, uniquement car par la suite, les Hébreux se montrent dignes de la confiance accordée et acceptent la Torah au Sinaï. Ce que le Tour1 exprime explicitement à propos du « peuple choisi » : « C’est au Mont Sinaï que Dieu nous a choisi parmi les autres peuples, Il nous a approché du Mont Sinaï, nous a fait entendre Ses Paroles au milieu du feu, et nous a donné Sa sainte Torah »2.Certes, Dieu a conduit le peuple d’Israël au Mont Sinaï, mais celui-ci a choisi sur place de se soumettre à la Torah. Etant donné qu’il a volontairement fait ce choix3, il devient alors le « peuple choisi », choisi pour montrer aux nations la voie vers une reconnaissance de Dieu4.Il apparaît dès lors que la conversion n’est pas un droit d’entrée dans un club privé « V.I.P », mais l’engagement de participer à une mission de la plus haute importance.
« (…) On ne lui dira pas plus, et on ne se montrera pas pointilleux à son égard ».Sur quel passage [les Sages se fondent-ils pour cet enseignement] ? Il est écrit [dans le livre de Ruth] : « Lorsqu’elle la vit décidée à la suivre, elle cessa d’argumenter » (1, 18). [Naomi] avait dit [à Ruth] :– Nous avons des limites à respecter le jour du Shabbat.– [Ruth lui répondit :] « Où tu iras j’irai (v. 16) ».– Il nous est interdit de nous isoler [entre hommes et femmes].– Où tu dormiras je dormirai (Ibid.).– Nous sommes soumis à six cent treize commandements.– Ton peuple sera mon peuple (Ibid.). – L’idolâtrie nous est interdite. – Ton Dieu sera mon Dieu (Ibid.)– Quatre peines de morts peuvent être prononcées par le Tribunal. – Où tu mourras je mourrai (v. 17).– Deux cimetières différents sont réservés aux condamnés par le Tribunal.– Et c’est là que je serai enterrée (Ibid.). [À la suite de cette discussion], Naomi « cessa d’argumenter ». (TB Yebamot 47b)Le Livre de Ruth décrit le parcours de Naomi, suivant son mari dans les terres du pays de Moab, quittant le pays de Juda où s’était déclarée une famine (1, 1). Sur place, son mari -Elimelekh- et ses deux fils -Ma’hlon et Kilion- meurent. Naomi se retrouve donc seule avec ses deux belles-filles originaires de Moab, Orpa et Ruth (1, 3-7). Elle décide alors de retourner dans le pays de Juda, en terre d’Israël, et propose dans un premier temps à ses deux brus de retourner auprès de leur famille moabite. Attachées à leur belle-mère, celles-ci répondent d’abord : « Non, nous irons avec toi vers ton peuple » (1, 10).Les exégètes sont partagés sur la portée de cette déclaration. Alors que certains n’y voient qu’un désir de se rapprocher du peuple sans pour autant accepter de se soumettre aux lois de la Torah, d’autres y voient une réelle demande de conversion. Quoi qu’il en soit, c’est la réaction de Naomi qui nous intéresse le plus :Mais Naomi dit : « Retournez mes filles. Pourquoi viendriezvous avec moi ? Ai-je d’autres fils dans mes entrailles, qui puissent devenir des époux pour vous ? Retournez, mes filles, partez, car je suis trop vieille pour avoir un mari. Même si je disais : Il me reste de l’espoir et même si je devais avoir un mari cette nuit, et même porter des fils, les attendriez-vous jusqu’à ce qu’ils soient devenus adultes, et vous attacheriez-vous à eux en n’épousant personne d’autre ? Non mes filles ! Je suis remplie d’amertume à votre sujet, car la main de Dieu s’est appesantie sur moi ». (1, 11-13)Ce passage biblique semble être la source première de notre passage talmudique. On y voit explicitement Naomi refuser d’être accompagnée par ses deux belles-filles, étrangères au peuple d’Israël. Cependant le discours montre que refuser ne signifie pas ici simplement repousser, mais aussi et surtout responsabiliser.Naomi avertit Orpa et Ruth de ce à quoi celles-ci doivent s’attendre si elles la suivent. De la même manière dans notre passage talmudique, les Sages la mettent en scène dialoguant avec Ruth afin de l’avertir des responsabilités incombant aux membres de la communauté d’Israël qu’elle désire rejoindre.Orpa n’insiste pas plus, apparemment convaincue par le discours de Naomi (1, 14). Étrangement, les Sages stigmatisent cette attitude, comme s’ils attendaient d’Orpa qu’elle argumente davantage pour rejoindre le peuple d’Israël ; comme s’ils attendaient du converti potentiel qu’il assume les responsabilités qu’on lui enseigne. L’inverse provoque au contraire une déception.Ruth, quant à elle, persévère dans sa volonté de suivre sa belle-mère. Cette dernière lui montre à plusieurs reprises que ce n’est pas dans son intérêt de la suivre. Mais peu importe, Ruth ne recherche pas son intérêt, mais l’intérêt du peuple d’Israël, et au-delà, de son Dieu. La fin du récit montre que cet acte désintéressé -ou plutôt correctement intéressé– transforme Ruth non seulement en membre de la communauté d’Israël, mais aussi et surtout en l’ancêtre du glorieux roi David. Selon les Sages du Talmud, Orpa, qui finalement se détacha du destin de Naomi, devint l’ancêtre de Goliath, l’un des antagonistes principaux du même roi David1.
En Pratique
Les Sages du Midrash remarquent que Ruth décourage ses belles-filles à trois reprises, en leur demandant de rentrer dans leur foyer. Ils y apprennent que les tribunaux rabbiniques doivent prendre exemple sur cette attitude en repoussant à trois reprises les candidats à la conversion avant de finalement les accepter. Si certains vont apprendre de ce midrash une attitude halakhique pratique, la majorité des Richonim ne mentionnent pas cette condition, d’ailleurs non retenue par le Shoul’han Aroukh. En tout état de cause, il n’est pas possible de faire un tel parallèle, puisqu’il n’est pas question dans le livre de Ruth d’une conversion formelle devant un tribunal rabbinique, mais juste d’une acceptation informelle par une femme ne faisant pas partie d’une telle institution.
On remarque par ailleurs que la manière dont Naomi repousse ses belles-filles est courtoise, voire aimante. Il apparaît clairement que les responsables des conversions doivent s’inspirer de cette attitude dans leur noble tâche.
Ce texte est l’introduction de Maïmonide aux lois concernant la conversion au judaïsme. Le décisionnaire médiéval se fonde pour cela sur un passage du Talmud1 établissant une identification entre la procédure de conversion et le don de la Torah, étape décisive instaurant le rapport légal entre Dieu et Israël. En effet, il convient de garder à l’esprit que le statut du peuple sorti d’Egypte change avec l’épisode du Mont Sinaï, même si ce changement s’effectue de manière progressive. Le Rambam évoque, par ailleurs, cette évolution. Certains commandements sont transmis aux Patriarches, qui se distinguent ainsi dans leur pratique de la législation universelle transmise aux descendants de Noé (lois noa’hides). La différence s’accentue alors que les descendants de Jacob se retrouvent soumis à d’autres lois en Egypte.Par la suite, le Livre de l’Exode mentionne explicitement deux commandements ordonnés au peuple lors de la sortie d’Egypte : la consommation de l’agneau pascal et l’observance du Shabbat. Selon les Sages du Talmud, deux lois supplémentaires sont communiquées à Mara, étape du désert préalable à l’arrivée au Mont-Sinaï : les lois civiles et le respect des parents.Néanmoins, seules les lois transmises lors du don de la Torah prennent une valeur obligatoire et contraignante pour les générations postérieures, comme Maïmonide l’explique dans son commentaire sur la Michna :Tu dois savoir que tout ce à quoi nous faisons attention, ou [tout ce] que nous faisons aujourd’hui, nous le faisons uniquement car Dieu nous l’a ordonné par l’intermédiaire de Moïse ; non car Dieu l’ordonna à des précédents prophètes. Par exemple, nous ne mangeons pas de la chair prélevée d’un animal vivant [non pas] car Dieu l’a interdit aux Noa’hides [descendants de Noé], mais car Moïse nous l’a interdit au Sinaï. De même, nous n’observons pas la circoncision car Abraham se circoncit [et fit circoncire] les hommes de sa maisonnée, mais car Dieu nous a ordonné par l’intermédiaire de Moïse de nous circoncire de la même manière que le fit Abraham (que la paix soit sur lui). De même, le nerf sciatique ne nous est pas interdit en raison de l’interdit [mentionné à propos de] Jacob notre père, mais car Moïse notre maître nous l’a interdit.Tu remarqueras d’ailleurs que [les Sages du Talmud] ont enseigné que six cent treize commandements ont été transmis à Moïse au Sinaï, et tous ceux-là en font partie.Le célèbre commentateur de la Michna relève que les interdits promulgués antérieurement au don de la Torah ne concernent les Bné-Israël qu’à condition qu’ils aient été répétés au Sinaï. Ainsi, dans le premier exemple mentionné, les Sages apprennent l’interdit de consommer de la chair d’un animal vivant (ever min ha’haï) d’un verset du livre de la Genèse : « Toutefois la chair, tant que son sang maintient sa vie, vous n’en mangerez ». Cependant, l’interdit spécifique aux Bné-Israël est répété dans le livre du Deutéronome : « Tu ne dois pas manger la vie avec la chair » (12, 23).La circoncision est imposée à Abraham dans le récit le concernant : « Voici le pacte que vous observerez qui est entre Moi et vous, jusqu’à ta dernière postérité : circoncire tout mâle d’entre vous (…). À l’âge de huit jours, que tout mâle dans vos générations soit circoncis par vous (…) » (Genèse 17, 10-12). La mitsva est répétée en reprenant le critère du huitième jour : « Au huitième jour on circoncira l’excroissance de l’enfant » (Lévitique 12, 3).Le dernier exemple, l’interdiction du nerf sciatique, est exclusivement mentionné dans le Livre de la Genèse. Après le récit de la lutte entre le patriarche Jacob et l’ange, Jacob est blessé. Le texte fait alors une digression pour mettre en avant une conséquence halakhique de cette blessure : « (…) Il boitait alors à cause de sa cuisse. C’est pour cela que les Bné-Israël ne consomment pas le nerf sciatique -qui tient à la cavité de la cuisse- jusqu’à ce jour, car Jacob fut touché à la cavité de la cuisse, sur le nerf sciatique » (Genèse 32, 32-33). Contrairement aux cas précédents, ce commandement n’est pas répété lors du don de la Torah, et s’adresse de surcroit explicitement aux générations suivantes (« jusqu’à ce jour »).C’est précisément sur ce sujet que s’interroge Maïmonide : l’interdiction du nerf sciatique a-t-elle été instituée lors de l’épisode de la Genèse, prenant dès lors une portée obligatoire après le don de la Torah ; ou bien sa valeur obligatoire doit-elle être dissociée de l’épisode lui-même ? Sa réponse est sans équivoque : bien que rapporté en rapport avec le récit de la lutte entre Jacob et l’ange, l’interdit a été promulgué au Sinaï. Si ce n’était pas le cas, les Bné-Israël n’y seraient pas soumis. Il en va de même pour tous les commandements mentionnés avant le don de la Torah.Bien que le peuple soit physiquement le même, il devient légalement différent après le don de la Torah. Le parallèle avec la conversion est frappant. Certes, rien ne change en apparence. Mais d’un point de vue légal, le converti est semblable à un nouveau-né. Le principe même de la conversion est lié à la démarche des Hébreux depuis la sortie d’Egypte jusqu’au don de la Torah. On apprend du récit de l’Exode que ce changement de statut est possible.De la même manière que les Bné-Israël ont accepté la Torah, toutes les personnes le désirant peuvent l’accepter dans les générations à venir. Il se trouve que seuls les descendants de Jacob et quelques anciens esclaves Egyptiens étaient présents lors de la révélation du Sinaï. Peu importe, l’acceptation de la Torah n’est pas dépendante du temps ni de l’espace. À toute époque, en tout lieu, celui qui le désire sincèrement peut reproduire l’épisode du Sinaï en se convertissant.Cela se concrétise par la reproduction des étapes préalables au don de la Torah.
Dans ce second livre sur la conversion au Judaïsme, l'auteur aborde de nouvelles questions : Existe-t-il des prédispositions morales nécessaires pour se convertir ? La conversion d'une personne non-juive en couple, le Mikvé, le tatouage et le passé ... Au delà des problématiques concrètes mises en avant dans l'ouvrage, l'auteur propose également en trame de fond une réflexion générale sur le sens et la portée des conversions au Judaïsme.
Dans son Michné-Torah, le Rambam écrit : « Si un idolâtre doit couper son prépuce en raison d’une plaie ou d’une tare qui s’y est formée, il est interdit à un juif de le faire (…), bien qu’il accomplît par là une mitsva, car il n’en avait pas l’intention. Par conséquent, si l’idolâtre à l’intention de procéder à la mitsva [de la Brith-mila], il est permis au juif d’y procéder ». (Hilkhote Mila 3, 7)Expliquons en remettant cette loi dans son contexte talmudique : S’il est une chose que Dieu a en horreur, c’est bien l’idolâtrie. Aussi les Sages du Talmud interdisent tout rapprochement, même lointain, avec les pratiques idolâtres. Plus encore, toute action qui permettrait à un idolâtre de prospérer, voire même de prolonger ses jours, est proscrite. Certes, il n’est en aucun cas question de tuer les idolâtres. La ‘non-prolongation’ des jours dont il s’agit se concrétise par un état passif : Une sage-femme juive ne participera pas à l’accouchement du bébé de parents idolâtres ; une nourricière juive ne devra pas allaiter l’enfant de parents idolâtres ; ou encore, un médecin juif ne devra pas prendre en charge des patients idolâtres.Ainsi, le Rambam écrit qu’il est interdit à un juif de procéder à l’ablation du prépuce d’un idolâtre dans le cadre d’un acte de guérison. Il rajoute que cela est interdit même si l’idolâtre fait incidemment une mitsva. A contrario, il précise qu’un tel acte accompli exclusivement pour la mitsva est permis, même s’il entraîne incidemment la guérison. De quelle mitsva est-il question ? Le ‘Kessef Michné’ écrit qu’il s’agit en l’espèce d’une conversion au judaïsme : Même si celui qui a encore un statut d’idolâtre avant sa conversion a une plaie au niveau du prépuce, cela n’empêche pas la circoncision accomplie en tant qu’étape de la conversion.
En étudiant certains passages d’un autre auteur de l’Espagne médiévale, le Rambam (Maïmonide), nous constatons que ce dernier applique un statut spécifique aux non-juifs décidant d’observer les mitsvote. L’analyse de ces textes peut nous permettre de mieux situer le premier passage du Khouzari que nous avons mentionné en introduction : «Tout Gentil qui, en tant qu’individu, s’agrège à nous, obtiendra une part de félicité, sans pour autant devenir notre égal ».
[Le roi David] a dit : Il existe trois signes chez ce peuple : la miséricorde (ra’hamim) ; la retenue (baychanin) et la bonté (gomlé ‘hassadim).La miséricorde, ainsi qu’il est écrit : « Et Il te donnera de la miséricorde, et Il te prendra en pitié, et Il te multipliera » (Deutéronome 13, 18).La retenue, ainsi qu’il est écrit : « Pour que ma crainte soit sur vos faces » (Exode 20, 17).La bonté, ainsi qu’il est écrit : « Afin qu’il enjoigne ses enfants et sa maison [à le suivre dans le chemin de Dieu, en pratiquant justice et charité] » (Genèse 18, 19). Ainsi, celui qui possède ces trois signes est apte à rejoindre ce peuple. (Yebamote 79a)
Avant de reprendre ce texte et d’apporter des précisions sur les différents points mentionnés, situons-le dans son contexte :
Le point de départ est un verset du livre de Samuel à propos d’un peuple Cananéen auquel les bné-Israël ont été maintes fois confrontés durant l’époque biblique : « Le roi appela les Guiv’onim ; les Guiv’onim ne font pas partie des bné-Israël » (II Samuel 21, 2).Au sens premier de ce verset, il faut comprendre que les Guiv’onim convoqués par le roi David ne sont pas des bné-Israël, mais une faction des « Emoréens rescapés [de la conquête de Canaan sous Josué] » (Ibid.). Les Sages du Talmud proposent de lire à un second niveau :« Le roi appela les Guiv’onim et leur dit : les Guiv’onim ne font pas partie des bné-Israël ».D’après cette lecture, il ne s’agit plus d’une précision du texte à vocation informative, mais d’une déclaration solennelle prononcée par David à l’égard de ces gens : « Vous ne faites pas partie de notre peuple, et vous ne pourrez jamais en faire partie ».
Quelle est la raison d’un tel rejet ?
La suite de la Guemara répond à cette question en relatant l’histoire des Guiv’onim : Vivant en terre d’Israël en respectant les conditions imposées aux peuples cananéens qui furent épargnés par Josué lors de la conquête de la terre, ils sont situés près de la ville de Nov, un endroit peuplé par des Cohanim (prêtres). Ces derniers subviennent aux besoins des Guiv’onim en contrepartie de leurs services en tant que coupeurs de bois et puiseurs d’eau. Leur situation s’aggrave brutalement lorsque les Cohanim de Nov sont massacrés par le roi Saül qui les soupçonne de se révolter contre son autorité. Les Guiv’onim, désormais privés de leurs bienfaiteurs, se retrouvent donc sans subsistance. Lorsque David devient roi, il se trouve confronté à une grande famine. En s’enquérant auprès de Dieu, il apprend que ce fléau n’est autre que la conséquence de l’attitude de Saül envers les Guiv’onim. Aussi, le roi se rend-t-il auprès de cette population pour leur montrer que le nouveau royaume est pleinement à son écoute. Sa proposition et sa réponse détermineront par la suite sa décision, quant au refus d’accepter les Guiv’onim dans la communauté d’Israël :
David dit aux Guiv’onim : « Que dois-je faire pour vous et quelle expiation vous offrir pour que vous bénissiez l’héritage de l’Eternel ? ». Les Guiv’onim lui répondirent : « Nous n’avons ni argent ni or à réclamer de la maison de Saül ; ni aucun homme à faire mourir en Israël ». Et il dit : « Que voulez-vous donc ? Je vous l’accorderai ».Ils dirent au roi : « L’homme qui nous extermina, qui avait prévu notre ruine, notre disparition totale du territoire d’Israël, qu’on nous livre sept de ses fils, nous les pendrons devant l’Eternel (…) ».(II Samuel 21, 3-6).
Selon la Guemara, bien qu’ayant accédé à leur requête comme il en avait pris l’engagement, le roi David se dit à cet instant, qu’une telle demande marquait une absence totale de compassion. C’est alors qu’il prononça l’enseignement sur les « trois signes » caractérisant les bné-Israël. En l’espèce, c’est l’absence de miséricorde, qui est à l’origine de leur exclusion du peuple d’Israël.
Il s’agit avant tout d’une invitation à mettre toutes nos certitudes de côté pour entamer une réflexion profonde sur le sens de la vie.
Parler de l’actualité du droit rabbinique à notre époque et le rendre accessible à tous.
Dans sa pratique, le judaïsme comporte de nombreux moments de joie. Dont la cérémonie du kidouch qui sanctifie le jour du chabbat, accompagnée d'airs mélodieux.
De nouvelles clés pour mieux comprendre l'être humain et son comportement au regard des textes bibliques.