D’où sait-on que les juifs ne doivent pas faire de prosélytisme ?
Chalom,
Il n'y a pas dans la Torah elle-même un commandement interdisant de faire du prosélytisme. En revanche, il y a selon plusieurs décisionnaires une Mitsva de faire des - bonnes - conversions [cf. Michnat Haguèr, Hilkhot Guérim 3, 14, p.58 note 30].Nos Sages insistent sur l'importance de ne pas accepter systématiquement une personne désirant se convertir. Il convient au préalable de vérifier sa motivation [Midrash Rabba Ruth 2, 16 ; Yébamot 24b, 47b, et 109b ; cf. Choul'han 'Aroukh Yoré Déa 268, 2].
Leurs propos se fondent sur plusieurs passages du Nakh (Bible), et notamment sur l'attitude de Na'omie dans le livre de Ruth, qui refuse dans un premier temps que ses belles-filles se joignent à elles dans l'objectif futur de rejoindre le peuple juif. Elle accepte finalement d'aider Ruth après s'être assurée de sa sincérité [Ruth 1, 10-18].
Par ailleurs, le Rambam écrit explicitement qu'il est interdit de forcer quelqu'un à se convertir, bien que la conversion soit possible [Hilkhot Mélakhim 8, 10]. Le Rav Benamozegh [Israël et l'humanité, p.276] voit une source à cette idée dans le passage suivant : "Il révèle sa parole à Ya'acov, ses lois et ses préceptes à Israël. Il n'a pas agi de même pour toutes les nations, et ses ordonnances, elles ne les connaissent point" [Téhilim 147, 19-20].
En outre, il est un passage du Talmud qui pourrait porter à confusion, puisqu'il y est enseigné qu'Israël a été exilé afin que des prosélytes se joignent à eux [Pessa'him 87b]. Précisions bien qu'il n'est pas question de prosélytisme dans ce passage, mais de laisser la possibilité aux non-juifs de prétendre à la conversion [cf. davantage à ce sujet dans mon ouvrage La conversion au judaïsme, Une identité juive en devenir 2, éditions Lichma, p.216 et suivantes].En conclusion, bien qu'il n'y ait pas spécifiquement une Mitsva de la Torah interdisant le prosélytisme, cela se retrouve dans les enseignements de nos Sages, se fondant eux-mêmes sur des versets bibliques.
A votre disposition pour plus de précisions.
Kol Touv.
A propos du Rav
De formation universitaire (titulaire d’un doctorat en Droit), Rav Yona GHERTMAN s’est tourné vers des études de Kodech, à la Yechiva, puis au Collel de Nice (CEJ), où il étudie encore aujourd’hui. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le judaïsme, dans lesquels il puise parmi les sources traditionnelles, qu’il présente d’une manière structurée et pédagogique au public francophone.
Aujourd’hui marié et père de quatre enfants, il partage son temps entre l’étude, l’enseignement de la Torah, et le rabbinat, où il s’occupe notamment des conversions au judaïsme.